Chardon brodé par Madame Sacchet de Portieux
Chardon brodé par Madame Sacchet de Portieux
UN CŒUR POUR LA LORRAINE
C’était le plus beau des étés, chaud et ensoleillé à en blondir les blés. Par l’un de ces jours ordinaires de juillet, juste avant que l’orage n’assombrisse le ciel, le glas sonna dans le village voisin du mien. Pour Paul, mon ami, l’un de ses passeurs de mémoire qu’en Afrique on appelle le griot. Parti simplement, sans bruit, comme il avait vécu. Paul possédait une rare qualité de conteur, tel le gardien des souvenirs de son pays : la Lorraine. A Rozelieures, l’église porte, gravée sur son fronton, la devise : « A mal faire et peu de bien, le temps passe et la mort vient. » Ce jour-là, tous les villageois sont venus lui dire qu’on se reverrait un jour, là où se rejoignent les âmes, anonymes ou célèbres
Si nul livre d’histoire n’accueillera dans ses pages le nom de Paul, son esprit, envolé au-delà du volcan éteint d’Essey-la-Côte, a rejoint ceux de tous ces hommes et femmes qui, dans la gloire de l’instant et de l’avenir, ont marqué leur temps. Dans une quête difficile, je les ai cherchés, entre Moselle et Meurthe, pour leur redonner vie. Et pour els réunir autour de la conviction de Dom Calmet qui, bien avant l’heure, osait avancer : « En général, la Lorraine produit d’aussi bons esprits qu’aucune autre province d’Europe. On ne sait que trop, par expérience, que si dans les provinces il se trouve quelque esprit né avec des talents extraordinaires, il est obligé de s’exiler, pour ainsi dire, de son propre pays, pour chercher ailleurs à perfectionner, par le secours des étrangers, les faveurs dont la nature l’a orné : s’il demeure en sa patrie, il doit s’attendre d’y vivre ordinairement, sans éclat et sans récompense, et d’y voir ses talents ensevelis dans l’obscurité et l’oubli. »
La mémoire est ainsi faite qu’elle peut imaginer la réalité et créer des situations qui auraient pu exister dans les limites de la vraisemblance. Il suffit, certains jours, d’ouvrir grands les yeux pour apercevoir Emile Coué flânant Place Stanislas, croisant un enfant à pèlerine, peut-être Etienne Drioton, le futur « Chanoine des Pharaons », ou encore l’oncle Alban, l’illustrateur de génie faisant claquer ses galoches sur les pavés d’une rue où le lilas va fleurir. Ce jour-là, choisi dans la nuit des temps, Camille Croué-Friedmann ne sait pas encore qu’elle va trouver amour et fortune aux Amériques, tandis que la pensée d’Albert Bergeret, sur les ailes des mouettes du vitrail de Gruber, s’envole vers un pays où tout se conjuguerait en cartes postales. Elle eût été bien confuse, la petite sœur Julie, avec sa cornette de travers, de voir qu’en hommage à sa bravoure, Gallé a crée ses plus elles orchidées de verre. Les chemins se coupent et se recoupent, faisant surgir ici une petite fille qui ne s’appelle pas encore Gyp, là des mirabelliers en fleur sous la neige de Jean L’Hôte, la couronne de « prince de la rue » de Laverny, les « paysanneries » de Chepfer, et de tous les autres, dont l’empreinte demeure dans les pierres qui, elles aussi, ont une âme.
Peintres et sculpteurs les ont mis en portraits, sur une musique qui pourrait être celle de Gustave Charpentier, dans un drame de boulevard signé Guilbert de Pixérécourt. Héros de guerre, universitaires de génie, écrivains, philosophes, inventeurs, poètes ou anonymes, ils ont la gloire en commun. Peu importe leur lieu de naissance puisque, même lorsqu’ils sont venus d’ailleurs, ils ont fait le choix de leurs racines en donnant leur cœur à la Lorraine.
Roland Erbstein 2005
Avant-propos de « Racontez-moi la Lorraine »
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